CE LIVRE SUR L’EXTRêME DROITE MONTRE COMMENT LA DIGUE AVEC LA DROITE A (DéJà) SAUTé

POLITIQUE - Ils n’ont pas le même maillot, mais ils ont la même passion : la politique. Et plus particulièrement son offre identitaire et nationaliste. Ils sont jeunes, et vous les connaissez peut-être. Ils s’appellent Jordan Bardella, Sarah Knafo, Stanislas Rigault, Guilhem Carayon, Damien Rieu, Pierre Gentillet, Samuel Lafont… On les retrouve au RN, chez Éric Zemmour, Les Républicains ou sur le plateau de CNews.

Dans le livre L’Extrême droite, nouvelle génération (éd. Denoël) , les journalistes Marylou Magal (L’Express) et Nicolas Massol (Libération) explorent avec minutie ce microcosme, fourmillant de liens amicaux entre ses différents acteurs qui, malgré les nombreuses pintes avalées ensemble, militent pour des chapelles différentes. Un tout petit monde incestueux, qui a ses attaches rive gauche dans les bars de la rue des Canettes ou sur les terrasses du XVe arrondissement de Paris.

Cet écosystème a éclos à travers différentes structures à partir de l’année 2013, quand la loi sur le mariage pour tous a mis dans la rue tout ce que la France comptait de réactionnaires. On retrouve Génération identitaire ou le Front national de la Jeunesse, en passant par des syndicats étudiants comme l’Uni ou la Cocarde. Une organisation qui était dirigée jusqu’à peu par Pierre-Romain Thionnet, proche de Jordan Bardella et qui préside aujourd’hui le mouvement jeunesse du RN ; il est aussi pressenti pour obtenir une place éligible aux élections européennes.

Biberonné aux saillies cathodiques d’Éric Zemmour, cet entre-soi s’est aussi forgé à travers l’association SOS Chrétien d’Orient, qui a permis à des jeunes issus de l’UMP ou du FN de l’époque de faire cause commune pour un combat « civilisationnel ». Une sorte d’incubateur de cette droite « hors les murs » qui occupe une place de choix dans cet ouvrage fouillé, décrivant cliniquement comment cette génération se moque du cordon sanitaire qui a longtemps séparé la droite et l’extrême droite.

L’ombre des groupuscules jamais loin

Et ce n’est pas Guilhem Carayon et Stanislas Rigault, respectivement présidents des Jeunes LR et de Génération Zemmour, qui diront le contraire : leur amitié est narrée avec précision dans le livre. Tout comme les efforts déployés par l’Institut de Formation de Politique, à Paris, pour faire dialoguer ces jeunes gens et faire sauter la digue entre la droite républicaine et sa cousine nationaliste.

Avec, en toile de fond, l’ombre pesante des groupuscules jamais loin des agapes. « Quand on a eu accès aux loges VIP de la soirée Valeurs actuelles, ça nous a sautés aux yeux. Ça allait du plus radical, comme le patron du bar la Citadelle à Lille, à Guilhem Carayon, en passant Jordan Bardella », précise Nicolas Massol au HuffPost.

« C’est un univers hyperporeux. Tous se côtoient. Pour ces jeunes, le cordon sanitaire n’existe pas. Ils partagent l’idée que quand ils arriveront au pouvoir, tous travailleront ensemble », renchérit sa coautrice Marylou Magal, décrivant des ambitieux sortis de la marginalité politique, poussés par de puissants relais médiatiques qui faisaient défaut à leurs aînés. À ses débuts, Marine Le Pen n’avait ni CNews, ni Le JDD, ni Valeurs actuelles, ni Boulevard voltaire ou autres Livre Noir épousant ses combats. Aujourd’hui, la nouvelle génération a l’impression d’être quasiment mainstream dans sa croisade civilisationnelle.

De la tentation souverainiste et europhobe en marge du Brexit, au basculement identitaire opéré dans le sillage de la séquence terroriste des années 2015-2017 et par le crash de Marine Le Pen sur la sortie de l’euro, cet ouvrage va au-delà du Who’s Who de l’extrême droite, ambitionnant de toucher l’approche de la somme écrite en 1987 par Patrick Rotman et Hervé Hamon au sujet de la gauche et de Mai 68 : disséquer une génération pour éclairer le moment politique.

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