PROPOSITION DE RACHAT D’ANGLO AMERICAN PAR LE GéANT MINIER BHP : LES NOCES DE CUIVRE ?

Le deal bouleverserait l’industrie et donnerait naissance à un nouveau mastodonte minier. L’australien BHP, déjà plus grand groupe minier au monde, a proposé jeudi 25 avril de racheter Anglo American pour 38,8 milliards de dollars (36 milliards d’euros). Une première offre rejetée ce vendredi car jugée «très peu attractive» par les actionnaires de l’entreprise britannique, mais ce n’est que le début d’une négociation qui pourrait aboutir sur le plus gros mariage dans le secteur depuis près d’une décennie. L’opération donnerait naissance au premier producteur mondial de cuivre.

BHP, des mines de fer, de cuivre, de charbon, de potasse, de nickel et 80 000 employés à travers le monde, dont la valorisation boursière atteint 149 milliards de dollars, affirme que cette proposition lui donnerait accès aux «actifs de cuivre de classe mondiale d’Anglo American». Cette dernière, en activité depuis un siècle et un siège déménagé de Johannesburg à Londres à la fin des années 90, a déclaré que son conseil d’administration examinait cette proposition, qualifiée dans un communiqué de «demande non sollicitée, non contraignante et hautement conditionnelle». L’entreprise, qui possède des mines au Chili, en Afrique du Sud, au Brésil et en Australie, a vu son action s’envoler à la Bourse de Londres jeudi matin. Selon les règles britanniques en matière d’OPA, BHP a un mois pour lui faire une offre ferme.

Frénésie de fusions

Cette proposition intervient dans un secteur minier en pleine frénésie de fusions et d’acquisitions : les entreprises du secteur, fortes de leurs richesses en liquidités, tentent ainsi d’augmenter la part de certains métaux stratégiques dans leurs productions. En témoignent l’achat, il y a à peine un an, de la société minière de cuivre Oz Minerals par le même BHP ; le rachat, par le géant de l’or Newmont, de l’Australien Newcrest Mining fin 2023 ; les investissements dans la production de cuivre du géant Rio Tinto ; ou encore le rachat de 77 % des activités de charbon métallurgique de Teck Resources, par Glencore, en novembre.

Anglo American, lui, a connu une série de revers au cours de l’année écoulée, avec la chute des prix de certains de ses produits, ainsi que des difficultés opérationnelles qui ont conduit à une révision à la baisse de ses objectifs de production. Son cours avait baissé de 12 % en un an, rendant l’entreprise vulnérable à d’éventuels rachats. Mais jusqu’ici, les prétendants potentiels avaient reculé devant sa structure complexe, son portefeuille hétéroclite, et ses liens avec l’Afrique du Sud – le fonds de retraite du pays est son premier actionnaire. La proposition de BHP impliquerait d’ailleurs une cession de ses activités de production de platine et de minerai de fer dans le pays.

Métal rouge

La société minière est surtout connue pour ses mines de platine, de diamant et de nickel. Mais ce sont ses activités dans les mines chiliennes et péruviennes de cuivre qui ont véritablement aiguisé l’appétit de BHP. Alors que la demande dépasse déjà l’offre depuis des années, la consommation de cuivre devrait s’accroître fortement dans les prochaines années. Grâce à ses propriétés – il est très malléable, très résistant à la corrosion, mais il est surtout convoité pour sa forte conductivité thermique et électrique –, le métal rouge est en effet indispensable pour répondre aux bouleversements technologiques à l’œuvre aujourd’hui : le développement de l’IA, la robotisation, et surtout la transition énergétique.

Dans un rapport publié en 2023, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estimait qu’il faudrait ouvrir 80 nouvelles mines de cuivre pour répondre aux besoins en cuivre générés par la transition, de la composition des batteries de véhicules électriques à celle des câbles. Compte tenu du temps nécessaire à la mise en place d’une mine (dix-sept ans en moyenne, selon l’AIE), des investissements devraient être engagés dans tous ces projets d’ici à la fin 2025. A l’heure actuelle, seule une dizaine de nouvelles mines de cuivre sont en projet.

En parallèle, la fermeture, fin 2023, d’une mine de cuivre géante au Panama, ainsi que la production décevante d’Anglo American, ont encore aggravé cette crise de l’offre. Le cabinet de conseil McKinsey avait calculé que le monde pourrait connaître un déficit de 6,5 millions de tonnes de cuivre d’ici le début de la prochaine décennie, avec l’augmentation de la demande due à l’électrification mondiale.

Mais le méga deal est loin d’être fait. Certains analystes du secteur ont déclaré que BHP devrait débourser davantage pour obtenir l’accord d’Anglo American. La proposition de BHP pourrait, d’ailleurs, donner des idées à ses concurrents, qui pourraient surenchérir sur l’offre faite à Anglo. Ce potentiel regroupement pourrait, également, être examiné par les autorités de la concurrence : BHP concentrerait alors 10 % de l’offre mondiale de cuivre, dans un contexte de pénurie attendue qui, selon de nombreux observateurs du marché, fera grimper les prix en flèche. Les prix du cuivre ont déjà atteint leur plus haut niveau depuis deux ans, à près de 10 000 dollars la tonne.

Mis à jour vendredi 26 avril à 9h, avec le refus des actionnaires d’Anglo-American.

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