NEW YORK : L’ANNULATION DE LA CONDAMNATION DE HARVEY WEINSTEIN, UNE CLAQUE POUR #METOO

C'est un mini-séisme judiciaire aux États-Unis. Jeudi, la plus haute cour de l'État de New York a annulé la condamnation de Harvey Weinstein pour viol et agression sexuelle, estimant que le juge avait commis de « graves erreurs » de procédure. Le producteur déchu reste en prison car il avait également été condamné dans un autre procès en Californie. Mais cette décision laisse les dizaines d'accusatrices de Harvey Weinstein, et le mouvement #MeToo, sonnés.

Qu'a décidé la cour ?

En 2020, Weinstein avait été condamné à 23 ans de prison pour un viol et une agression sexuelle. Une décision confirmée en appel en 2022. Mais le producteur avait déposé un recours devant la plus haute cour de l'État de New York (proche de la Cour de cassation en France). Par 4 voix (trois femmes et un homme) contre 3 (une femme et deux hommes), les juges ont annulé le verdict, estimant que le magistrat qui a présidé les débats avait fait de « graves erreurs » de procédure. « La solution est un nouveau procès », écrit dans la décision de la majorité la juge Jenny Rivera.

Pourquoi la cour a-t-elle pris cette décision ?

Tout s'est joué avant l'ouverture du procès. Techniquement, Harvey Weinstein a été inculpé pour des charges concernant deux femmes. Mais le juge Burke avait autorisé les procureurs à présenter des témoignages de trois autres accusatrices sur des faits prescrits, pour lesquels Weinstein n'était pas inculpé. L'actrice des Sopranos, Annabella Sciorra, par exemple, avait témoigné avoir été violée par Weinstein en 1993.

À LIRE AUSSI États-Unis : Harvey Weinstein condamné à 16 ans de prison pour violLe plus souvent, de tels témoignages sont interdits. Mais l'État de New York dispose d'une vieille exception souvent utilisée depuis #MeToo, la règle Molineux, qui permet de présenter au jury des «  prior bad acts  », des « actes répréhensibles antérieurs », par exemple s'il y a un modus operandi, une signature, similaire. Mais dans sa décision, la majorité estime que l'accusation n'a pas prouvé que les témoignages avaient « un lien direct avec un aspect matériel » du dossier. Et qu'entendre trois autres femmes dire que Harvey Weinstein les avait agressées sexuellement a été « préjudiciable » en influençant le jury.

Harvey Weinstein sera-t-il rejugé ?

« Nous ferons tout pour rejuger cette affaire et restons plus déterminés que jamais à soutenir les victimes d'agression sexuelle », a promis le bureau du procureur Alvin Bragg. En pratique, cela s'annonce difficile : les charges concernaient les accusations de deux femmes, et le viol dénoncé par Jessica Man serait aujourd'hui prescrit, car plus de 10 ans se sont écoulés depuis 2013. Un nouveau procès, avec une seule accusatrice, et sans l'appui d'autres témoignages, serait beaucoup plus compliqué à gagner.

Weinstein va-t-il sortir de prison ?

Non. Le producteur a également été condamné à 16 ans de prison dans un second procès à Los Angeles en 2023. Mais ses avocats ont indiqué qu'ils feraient appel de cette décision le 20 mai. « Nous savions que Harvey Weinstein n'avait pas eu droit à un procès équitable », s'est félicité Arthur Aidala, parlant d'un « grand jour pour les États-Unis ».

Quelles conséquences pour #MeToo ?

Pour le mouvement qui a explosé en 2017 avec les témoignages de dizaines de femmes accusant Harvey Weinstein d'agression sexuelle ou de harcèlement, notamment les actrices Ashley Judd, Rose McGowan, Asia Argento, Gwyneth Paltrow et Angelina Jolie, c'est la gueule de bois. Il s'agit de la seconde annulation majeure d'une condamnation, après celle de Bill Cosby, libéré en 2021.

Le groupe Silence Breakers, qui rassemble des femmes qui avaient dénoncé les agissements de Weinstein, a regretté une décision « démoralisante » et « profondément injuste ». Et qui pourrait avoir ce que les États-Unis appellent un chilling effect, un effet dissuasif, sur les poursuites pour crimes sexuels, avec des procureurs frileux à l'idée de se lancer dans une bataille difficile à gagner, particulièrement pour des accusations portées des années plus tard.

« La cour continue à contrecarrer les victoires régulières pour lesquelles les survivantes de violences sexuelles se sont battues », a écrit pour la minorité dissidente la juge Madeline Singas. Pour elle, « les femmes qui portent le traumatisme de violences sexuelles et les blessures des témoignages répétés sont oubliées ».

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