POURQUOI URSULA VON DER LEYEN NE DOIT PAS RESTER PRéSIDENTE DE LA COMMISSION EUROPéENNE

La semaine dernière, Donald Trump est devenu, le temps d'un débat législatif du Congrès américain, l'allié objectif et inattendu des droits des Européens. Sur son réseau social, Truth Social, l'ancien président américain s'est en effet insurgé contre la reconduction souhaitée par l'administration Biden de la section 702 du Foreign Intelligence Surveillance Act (Fisa), au motif qu'elle avait permis d'espionner sa précédente campagne présidentielle.

Contre toute attente, Donald Trump rejoignait là, dans une alliance contre nature, le clan des détracteurs de cette section du Fisa, des gens plutôt situés à l'autre bout du spectre politique américain, particulièrement préoccupés par la capacité de ladite loi à effectuer des recherches sans mandat dans les communications des citoyens américains et par la tendance des forces de l'ordre à aller trop loin dans son utilisation.

Les espoirs des uns et des autres ont été déçus. Les miens également : la section 702, après quelques péripéties, a finalement été reconduite. Cela n'augure rien de bon pour la protection des données personnelles et sensibles des Européens.

La légèreté condamnable d'Ursula von der Leyen

Ajoutée en 2008 au Fisa, cette fameuse section 702 permet aux autorités, notamment aux agences gouvernementales telles que la NSA et le FBI, de collecter et de surveiller les communications. Plus précisément, elle leur donne le pouvoir de surveiller la messagerie de citoyens étrangers en dehors du territoire américain, éventuellement celle de citoyens américains en relation avec eux, et ce sans demander de mandat.

La vivacité du débat qui vient d'agiter les milieux politiques américains souligne, s'il en était encore besoin, la légèreté condamnable des garanties que la Commission européenne, (et à sa tête Ursula von der Leyen) a offertes aux citoyens des pays membres de l'UE, dans le cadre du système d'échange des données entre les États-Unis et l'UE, le Data Privacy Framework (DPF) de juillet 2023.

Il est vrai que bien souvent le tropisme atlantiste de la présidente la Commission européenne la pousse à des choix discutables au regard des intérêts des citoyens européens. D'ailleurs, à deux mois de son éventuelle reconduction à la tête de la Commission, qui se demande encore pour qui roule Ursula von der Leyen ? La tentative avortée in extremis de nomination de l'Américaine Fiona Scott-Morton, en juillet 2023, s'inscrivait, elle aussi, dans cette conception d'une Europe inévitablement vassalisée par les États-Unis.

Des controverses qui traduisent un manque de transparence et d'impartialité

Libre à Ursula von der Leyen d'avoir cette vision de l'Union européenne, libre à de nombreux Européens de ne pas y adhérer. En revanche ce qui me paraît plus discutable, c'est le mode de gouvernance qui est celui de la présidente de la Commission, sa conception d'un exercice du pouvoir qui n'hésite pas à s'affranchir trop souvent des règles de transparence et d'impartialité qui incombent à sa fonction.

Il y a eu le Pfizergate, qui soulevait des questions sur la transparence des négociations pour l'achat de vaccins avec des fonds publics européens. Il y a maintenant le Piepergate avec la nomination de Markus Pieper, ce député européen allemand, patron de la délégation de la CDU-CSU au sein du Parti populaire européen (PPE), qui a été désigné « Envoyé de l'UE pour les petites et moyennes entreprises », le 31 janvier, en l'absence et à l'insu du commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, qu'il est censé suppléer. D'aucuns prétendent qu'il s'agissait là d'un choix opportun dans les négociations qui décideront de la reconduction ou pas de la présidente, mais ce sont sans doute, on l'aura compris, de bien mauvaises langues. Devant l'ampleur de la bronca, Markus Pieper a depuis préféré jeter l'éponge.

Que de controverses, Madame la Présidente de la Commission ! Vous tracez pourtant votre route sans états d'âme, sans prendre en compte les éventuelles réserves ou contestations de qui que ce soit et surtout pas du Parlement européen. Le Data Privacy Framework en est un bel exemple : le fait que les députés européens aient voté le 11 mai 2023 en faveur d'une résolution appelant la Commission à renégocier l'accord au motif que « le cadre UE-États-Unis sur la confidentialité des données ne crée pas d'équivalence essentielle dans le niveau de protection » ne vous a, à aucun moment, détournée de votre objectif. Et c'est bien ce qui est le plus dérangeant. Au-delà des querelles de fond, cela s'appelle un déni de démocratie.

En ces temps d'élections européennes où le citoyen ne se montre pas particulièrement motivé pour se rendre aux urnes, parce qu'il se demande - souvent avec raison - à quoi sert le Parlement européen, la perspective de vous voir reconduite dans vos fonctions est le pire message que l'on puisse lui envoyer.

Si l'on ajoute à cela le déficit de notoriété de la plupart des têtes des listes présentées par les pays-membres, voilà qui milite peu en faveur d'une Europe forte et décomplexée, il est vrai.

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